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Quand l'automatique régira la vie en société...

  Par bien des exemples, il est facile de comparer un évènement socio-économique avec un fonctionnement en hystérésis. Avant d'aller plus loin, expliquons d'abord aux plus jeunes d'entres-nous, ce qu'est un cycle d'hystérésis.

explication

  Soit un phénomène en entrée, dont la valeur peut varier continuement au-delà de deux états minimum et maximum. L'idée est d'agir sur une grandeur physique en sortie, dès que l'entrée a dépassé la valeur max. Immédiatement après cette action, la sortie se positionne à une nouvelle valeur. Pour refaire basculer le système, c'est-à-dire pour que la sortie reprenne sa valeur de départ, il faut que la grandeur d'entrée descende en deçà de la valeur min. Ainsi, au cours d'un cycle d'hystérésis, la sortie ne peut prendre que deux valeurs (ON/OFF), selon le sens du franchissement de deux seuils en entrée (min/max). Un graphique permet d'éclairer cette explication quelque peu confuse, j'en conviens.

  "Cela est bien", dit Candide, mais où est le rapport avec les phénomènes de notre société à nous, et en particulier, notre société française ? Lis encore quelques lignes et tu vas comprendre.

  Prenons un premier exemple bien concret que tous les étudiants ont pu rencontrer : les aides sociales ou en particulier, les attributions de bourses. Avez-vous remarqué qu'au franc près, vous et tous vos petits frères et soeurs êtes soit TOUS boursiers, soit TOUS non-boursiers. C'est-à-dire qu'une fois le seuil min de vos ressources dépassé (à epsilon près), toutes les subventions ou les gratuités vont tomber, en plus du versement de la bourse proprement dite. Le pauvre couillon (pléonasme) qui avait déclaré 1 franc de plus sur sa déclaration d'impôt sur le revenu d'il y a 2 ans (c'est la constante de temps de l'administration...), se sent alors baisé par le système et/ou jaloux de ses petits voisins. En effet, lui et tous ses frères et soeurs ne bénéficieront d'aucune aide sociale, d'aucune gratuité, bref, d'aucun privilège. Avouez qu'à un franc près, c'est quand même très con. Le bon sens automaticien ou mathématicien privilègerait un calcul pour l'attribution de bourse, proportionnel, linéaire par rapport à votre revenu. On peut toujours me répondre que c'est trop compliqué, ça demande trop de travail... à qui ? Non, vraiment, je ne vois pas ce qui l'empêcherait ! Le système est même plus vicieux ou débile que ça, puisqu'il introduit des quotas, des règles différentes par paliers. À ce niveau là, on est en présence d'un merdier organisé. J'ose alors naïvement poser la question : ne serait-ce pas plus simple que d'établir une seule règle universelle proportionnelle, et donc plus équitable car ne favorisant aucun type de famille plus qu'un autre ?

  Vous êtes toujours là ? Prenons un second exemple, toujours bien concret. Approchons-nous du monde syndical des ouvriers et du patronat. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, tant que le syndicat n'a pas de revendication qui, ajoutée à toutes les autres, ferait déborder le vase. Il est tellement pitoyable de constater que rien n'est fait tant que la colère (seuil max) n'a pas éclatée. Pourquoi, et c'est particulièrement vérifié en France, les changements se font toujours par à-coups, par révoltes, parfois même jusqu'au mouvement de type révolutionnaire... Serait-ce donc dans nos gênes ? Par analogie avec un système de l'automatique, pourquoi ne pas anticiper l'évolution, prendre en compte tous les changements (même mineurs) afin de mieux en maîtriser les effets sur le phénomène étudié ? Du moins, tel est l'enseignement que l'on reçoit... Sans être Polytechnicien, tout le monde peut comprendre ça. Mais le problème, c'est que tout le monde (moi, y-compris) n'est pas près, ou ne veut pas, bouger, tant que son petit bien n'est pas affecté.

  Si vous avez pu me suivre jusque là, félicitations, vous êtes bien un des seuls que ce genre de réflexion peut attirer... Rassurez-vous, la fin est proche.
  Énergétiquement, il est bon de se demander si la régulation brutale par hystérésis est moins coûteuse ? Je ne sais pas pour vous, mais moi, je pense qu'une multitude de petits paliers est moins perturbant et difficile à supporter qu'un grand changement d'un coup (cf. flux-tendu pour l'approvisionnement en pâtes d'un étudiant de base). De plus, en pratique même si le système accepte cette forte perturbation, il n'est pas dit que le résultat visible à long terme soit le même. En effet, si nous envisageons l'étude de phénomènes lents et visqueux, provoquer un fort changement se heurtera à l'inertie du système, car nécessitant par la même occasion, un déploiement d'énergie (donc d'argent) considérable. C'est pourquoi, des petites déviations judicieuses et bien dosées seront plus facilement acceptées, puisque se heurtant à un minimum d'inertie lors de chaque changement.

  À première vue, cet exposé ne semble être qu'un "ramassi d'enculages de mouches", cela dit, je pense que cette page mérite réflexion, d'ailleurs chacun peut y ajouter sa petite pointe de sel. On pourrait continuer de raisonner dans le vide comme ça pendant des heures, en donnant à l'appui des exemples comme les deux premiers. Les énummérer les uns après les autres ne serait que fastidieux. Pour conclure, je me contenterais de citer le sociologue Joël de Rosnay :

"À l'inverse des fourmis, nous sommes des génies individuels et des idiots collectifs."

  Sur ces brèves pensées naïves, car c'est malheureusement bien de cela qu'il s'agit,

À bon entendeur... salut.


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